mercredi 28 mars 2018

Les allumettes

... En Hommage aux 510 





Une vague de froid polaire a touché le pays fin février soulevant des déferlantes d’indignation quant au sort des sans-abris... alors des places d’hébergement d’urgence, des salles de mairies, des gymnases ont été ouverts sous la prévenance larmoyante des médias.


C’est pourtant dans un silence assourdissant que ces sans-abri sont en train d’être remis à la rue, des milliers de personnes à travers tout le pays.

En plus de la fin de ce plan grand froid, la fin de la trêve hivernale prévue le 31 mars verra les expulsions à la rue de familles qui ne peuvent plus s'acquitter d’un loyer. 

Le logement est le lieu dans lequel on construit une vie et sans toit la personne n’existe pas mais dans la rue, elle n’existe tellement plus que parfois elle s'éteint.


Le Collectif des Morts des Rues a recensé 510 morts de la rue pour l’année 2017 mais une étude de l’INSERM évalue le nombre réel à quatre fois plus soit environ trois milles personnes pour la France entière !

Le collectif a dénombré et identifié les 510 morts dans un livret faire-part pour leur rendre leur dignité, pour nous dire aussi à nous, passants anonymes, que ceux des rues qui font partie du paysage urbain, ceux que l'on croise tous les jours dans notre indolent train train quotidien ont quelque chose en plus des lampadaires... un coeur qui bat et parfois qui s’arrête de battre.

467 hommes, 43 femmes, 6 avaient moins de 5 ans...

Ils auraient pu être les âmes d’un petit village français avec ses rues pavés, son vieux clocher penché, son bistrot qui fait dépôt de pain, sa mairie qui sert d' école, elle-même fermée depuis longtemps, et qui ouvre sur une placette au milieu de laquelle un vieux châtaignier sert de perchoir aux moineaux et d’ombrelle aux bancs publics.

Ce joli village a été rasé, éradiqué avec ses 510 habitants par la bombe folle et irrépressible de notre individualisme.

Comment peut-on laisser mourir les gens dans les rues au 21ème siècle, durant lequel, nous dit-on, l’homo sapiens va accomplir davantage de progrès techniques que pendant ses 100 000 premières années sur la planète ?



Et l'hécatombe continue dans l’indifférence puisqu’au début du mois de mars 2018 au moins 72 personnes sans-abri, plus d’une personne par jour, sont mortes parce qu’elles dormaient à la rue, le premier quartier d’un nouveau village imaginaire !


On continue à mourir de misère dans un parc de centre ville, sous les ponts, ou de froid sur le perron d’une église comme dans un conte du 19ème siècle.



Comme la petite fille aux allumettes de Hans Christian Andersen qui erre misérable, dans les rue le soir de la Saint Sylvestre et craque des allumettes pour se réchauffer, quatre allumettes pour quatre visions ineffables avant de passer de vie à trépas.

La première allumette, en se consumant, laisse apparaître une volonté moins cynique de nos dirigeants à vouloir trouver des solutions pour les sans-abri...

Quand le secrétaire d’état chargé des territoires compte 50 sans abri à Paris, que le porte-parole du gouvernement annonce au coeur de l’hiver que les SDF refusent d’être logés, l’insolence de la politique d'Emmanuel Macron prend corps. L’insuffisance de la politique publique mise en place pour le logement n’est pas le fait de l’Etat mais des sans-abri eux même qui refusent toute aide.
Peut on croire à la fameuse théorie du ruissellement, que les cadeaux fiscaux concédés aux plus riches profiteraient en priorité aux plus pauvres ?

Selon l’ONG OXFAM, la transformation de l’ISF permet aux ultra-riches d’économiser 15 000 euros par million d’euros de patrimoine. Pour ce début de mandat, le Président était manifestement plus empressé d'alléger l’ISF que de respecter sa promesse de campagne de mettre à l’abri les SDF.

A la deuxième allumette qui s'enflamme, on veut croire à une politique qui précarise moins les plus faibles...

En France, on dénombre presque 9 millions de pauvres et plus de 4 millions de personnes restent mal logées. La politique de rigueur du gouvernement a des conséquences désastreuses sur le quotidien des plus précaires. La loi travail qui facilite le licenciement, la baisse des APL, la hausse de la CSG qui grignote les pensions des invalides et des retraités en passant par la loi exil et immigration qui trie les migrants étrangers, tout est fait pour que la dégringolade sociale s’accélère vers parfois des situations dramatiques de mise à la rue.

Ce n’est pas en pratiquant un libéralisme sans entrave à la Thatcher qu’on assurera la protection des plus faibles !


Dans la flamme de la troisième allumette, on peut y voir un voeu, celui d’une vraie politique avec de réels moyens de mise à l’abri des SDF...

Elle peut prendre forme avec le housing first ou le logement d’abord, qui a permis en Finlande de diminuer par 5 le “sans-abrisme”. Il consiste à donner prioritairement un logement stable en alternative aux solutions d’hébergement d’urgence et donc aux déplacements réguliers.
Comment de pas voir aussi dans le revenu universel le moyen d’éradiquer la grande pauvreté ? Il soulagerait la vie des plus précaires et aurait ici l’utilité concrète de sauver des vies !

La quatrième allumette, l’ultime songe, celui de la dernière respiration, de la dernière force. Le dernier rêve d’une enfant endormie à jamais par le froid, celui du printemps revenu...

Comme celui d’il y a 50 ans, un printemps fort et beau, un grand mouvement de contestation politique, de libertés sociales durement gagnées et d'appétences culturelles épanouies. Non pas pour calquer des archives en noir et blanc mais réellement prendre conscience qu’une autre politique est possible, une politique dont la finalité n’est pas de mettre l’argent au centre de tout, mais l’humain !




Un hommage sera rendu aux 510 morts des rues par le Collectif des Morts de la rue le : 
Mercredi 4 avril 2018 
à 17h à l'Hôtel de ville de Paris.


L'inscription est obligatoire en suivant le lien ci dessous :

https://www.facebook.com/events/175050106455777/


Pour les non franciliens, nous vous proposons à titre d'hommage posthume d'allumer une bougie sur le rebord d'une fenêtre de votre domicile le 4 avril au soir. 







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